Rencontre avec Stakhanov, un ouvrier du silicium

Nécrotechnologies.

par Arthur Morel

Nous avons même rencontré un ouvrier heureux. Et pourquoi pas. Il est jeune, il est fort et joyeux. Il a une belle femme et de beaux enfants. Et il dépense sa force avec ses collègues et ardeur, suant et trimant en équipe à produire un « matériau hautement stratégique ». Une véritable affiche prolétarienne des années 30 ou 40 pour la « bataille de la production », avec vue en contre-plongée du valeureux et musculeux « héros du travail » ; mineur ou métallo.
Bien sûr, il a parfois des doutes notre ami Stakhanov. Il sait bien qu’il perd sa santé, que son usine empoisonne la vallée, que son industrie assèche le monde. Il voudrait bien que ce soit « mieux géré », « de manière écologique ». Ne serait-ce que pour ses gosses, pour l’eau, pour les gens. Il y pense et puis il pense à autre chose. Le boulot n’est pas facile à trouver et lui, il aime le sien. Il a l’impression avec le silicium de produire de l’or, quelque chose d’infiniment précieux, et il ne peut se dire que cette production, si bien gérée soit-elle, ne vaudra jamais les destructions qu’elle génère. Qu’elle est en elle-même une entreprise de destruction avec quelques retombées positives et quelques bénéfices secondaires.

Un entretien réalisé par Arthur Morel.

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J’ai visité Aquapole – Quatrième lettre de la « Capitale Verte »

Faits divers.

par Arthur Morel

Notre correspondant à Grenopolis, Arthur Morel, a déménagé sur les hauteurs et entamé une formation d’infirmier. Quand elle lui laisse du temps, il poursuit sa découverte de la ville-machine. Ainsi a-t-il visité Aquapole, la station d’épuration de la Métro, qui traite les eaux usées de 500 000 personnes, rejette le « liquide » dans l’Isère et utilise le « solide » (les boues) pour produire du biogaz. Tout ça est affreusement organique et scatologique.
Arthur n’a pas de chance, il n’arrive pas à placer ses questions impertinentes dans la discussion avec la guide – en fait, une chargée de communication de la Métro. Laquelle est de toute façon en reconversion (« recyclage » ? « retraitement » ?) depuis peu et « continue d’apprendre chaque jour ». Pour en savoir plus sur l’usine à biogaz qui enthousiasme les technocrates, notre reporter doit fouiller les archives et les documents en ligne. Devinez ce qu’il découvre ? Le biogaz n’est pas bio, les eaux sales et leur traitement technologique polluent la rivière, les sols et l’air ; et nul n’envisage de solutions pour réduire leur volume et cesser d’évacuer nos excréments avec de l’eau potable. D’ailleurs, même l’eau de pluie est contaminée par la chimie.
Ne tords pas le nez, lecteur. Comme Arthur Morel et comme 70 % de la population grenopolitaine, tu es peut-être « primo-arrivant » dans la cuvette, selon la nomenclature technocratique, et tu ignores ce que deviennent tes eaux usées quand tu tires la chasse et vides ton évier. Avec cette dernière lettre de notre promeneur à son ami québécois, tu as la chance de visiter la machinerie de la métropole.

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Une visite au « Bivouac de la Bastille » – Troisième lettre de la Capitale Verte

Faits divers.

par Arthur Morel

Notre correspondant à Grenopolis, Arthur Morel, est très occupé. Il travaille dans un Ehpad, il a déménagé et s’occupe de sa petite fille. Ce qui lui laisse peu de temps pour envoyer à Jonathan, son ami du Québec, ses « lettres de la Capitale Verte ». Il a quand même réussi à passer une soirée à la Bastille, devenue depuis peu un lotissement de cabanes. La mairie Piolle a ainsi trouvé le moyen de vendre le site de nuit comme de jour. Un Luna Park, oui, mais un Luna Park Vert.

La Ville a certes interdit les accès pédestres à la Bastille du 13 au 19 août, en raison des risques d’incendie liés à l’extrême sécheresse – mais les touristes peuvent toujours s’y rendre en téléphérique, en raison des risques de manque à gagner pour le commerce. Vous pouvez donc réserver dès à présent sur Internet votre aventure nocturne et éprouver vous aussi le frisson de la liberté surveillée en montagne urbaine.
Ce que ne manqueront pas de faire les participants aux Journées d’été d’Europe-Ecologie Les Verts, organisées du 25 au 27 août à Grenopolis afin de bénéficier du label promotionnel de la « Capitale Verte européenne 2022 ». Quant à Piolle, il profite à son habitude de ce haut-parleur pour propager les fausses nouvelles : « Ici, écrit l’ingénieur-maire dans la plaquette de l’événement, vous pouvez vous nourrir de l’histoire d’une écologie affirmée comme une proposition de société émancipatrice, fraternelle et solidaire, d’un rapport harmonieux au vivant, depuis les années 70. Nous en sommes les dépositaires. »

Les fact checkers auront corrigé d’eux-mêmes. Si les Verts de Grenopolis sont dépositaires d’un héritage, ce n’est pas celui des écologistes alpins des années 70, anti-industriels, organisateurs des manifestations anti-nucléaires de Bugey (1971) et de Malville (1977), animateurs et lecteurs de La Gueule ouverte – le journal de Pierre Fournier qui lança le mot d’« écologie » pour défendre ensemble nature et liberté (voir ici) – mais celui des technologistes verts ayant fait main basse sur le mot et l’idée pour les retourner à leur profit. Des ingénieurs de la survie connectée et de la technopolice verte qui développent le vélo nucléaire, le « numérique responsable » (mais pilleur d’eau des montagnes) et la smart nature sont tout sauf des écologistes .

Découvrons l’expérience Bastille avec notre hardi reporter.

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Démonter le monde-machine

Nécrotechnologies.

par Pièces et main d’œuvre.

Un ami informé nous fait suivre ce courrier envoyé par le service « Economie agricole » de la préfecture de la Nièvre aux exploitants agricoles en ce mois de juin 2022. On y lit ceci :

« Dans le cadre de la future programmation de la Politique agricole commune (PAC) 2023-2027, la Commission européenne a introduit un nouveau composant intitulé « système de suivi des surfaces en temps réel » (3STR) à compter du 1er janvier 2023.
[Celui-ci] se base sur l’analyse de l’activité agricole et des couverts implantés, analyse réalisée par le biais d’images satellites en continu, traitées informatiquement par l’intelligence artificielle. […]
Dans ce cadre, des exploitants seront sollicités par la DDT afin de fournir des photos géolocalisées pour vérifier certaines données analysées (couverts implantés et activité agricole) via une application sur smartphone. »

Suit un lien vers une vidéo (« Parlons PAC 2023 » sur Youtube) qui invite les exploitants à rejoindre la campagne de test du dispositif. On y suit Michel Texier, producteur de cyber-pommes de Haute-Vienne, nez sur l’écran de son smartphone au milieu de son unité de production industrielle – arbres alignés comme des poteaux surmontés de filets, sol quasi nus, à perte de vue : « l’application nous guide jusqu’au point fixe sur lequel on doit se rendre pour prendre la photo », nous explique-t-il, soulagé que cet autoflicage lui évite des tracasseries administratives.

Il y a quinze ans de ça, quand nous alertions contre le puçage électronique des animaux et des humains, Pierrot, notre copain paysan, nous avait déjà parlé du contrôle des parcelles par satellite. La contrepartie des subventions européennes, expliquait-il. Tu veux l’argent, tu te soumets. Ne t’avise pas de semer de l’orge au lieu de blé, la constellation satellitaire Copernicus (« Europe’s eyes on Earth », sic) te dénonce sitôt le grain levé. Et prière de tailler les arbres en bordure qui masquent les parcelles.

Toute dignité abdiquée, voici les employés agricoles de l’Europe qui collaborent à leur propre machination. Ils viennent en renfort des satellites pour alimenter de leurs photos géolocalisées les bases de données cybernétiques. A défaut de nourrir correctement les humains, ils nourrissent les intelligences artificielles qui pilotent bientôt leurs tracteurs autonomes, les drones et les robots pour les remplacer dans leurs exploitations. C’est ainsi que les machines nous alimentent, et que nous dépendons toujours plus du règne machinal pour notre survie.

La revue Nature & Progrès nous a demandé pour son numéro d’avril-mai 2022 une mise à jour sur la machination de l’agriculture – dans sa version cybernétique notamment – et sur notre dépendance à l’égard du technotope. D’où le titre de notre papier : « Démonter le monde-machine ».

Le dossier du numéro, intitulé « Quels outils, pour quels paysans ? », comprend également des articles sur la traction animale, le bélier hydraulique et les ingénieux bricoleurs de l’Atelier paysan. Réjouissant à lire, pour nous et pour les lecteurs en quête de « solutions alternatives » – et tant mieux si les élèves ingénieurs renient leur dressage pour s’intéresser à la terre.

Pour commander la revue : Nature & Progrès, 13, bd Louis Blanc – 30100 Alès (Tél : 04 66 91 21 94).

Les Calanques, suite

Faits divers.

par Le Platane

Fin avril, Le Platane nous informait de l’instauration d’un QR code par le Parc national des Calanques pour accéder à celle de Sugiton.
Aujourd’hui, le même Platane décortique les liens entre le Parc et les start up marseillaises de la « French Tech » pour concevoir la smart nature.
N’allez plus dans les Calanques, tiens, visitez-les en réalité virtuelle sur le Metavers.

Les Calanques, c’est fini

Faits divers.

par Le Platane

Nous avons reçu du Platane une enquête sur la clôture électronique des Calanques. Le Platane, c’est le nom qu’ils se sont donné parce que c’est là qu’ils se réunissent, à Marseille.
On peut résumer l’affaire en trois mots : on ne pourra plus, désormais, aller se promener à sa guise dans les calanques, il faudra au préalable obtenir un QR code de l’administration du Parc.
On peut aussi la détailler : la technocratie dirigeante organise « l’attractivité du territoire », le TGV arrive à Marseille, 100 millions de touristes visitent la France chaque année, et pourquoi voudriez-vous qu’une partie d’entre eux ne transforme pas les calanques en dépôt d’ordures, ravagé de temps à autre par un incendie. Ayant organisé la catastrophe, il ne reste plus qu’à organiser le Parc pour en gérer les nuisances. D’où le recours au QR code qui a si bien fait ses preuves durant la pandémie et auquel tous nos cybercitoyens sont désormais accoutumés.

Nos amis du Platane ont examiné l’histoire de cette clôture électronique, ses promoteurs et profiteurs, ses effets, avec précision, patience et une grande modération de ton, à la manière des cahiers de doléance d’autrefois. Ce qu’ils chroniquent en fait, c’est un exemple local de l’agonie du milieu naturel et de la liberté qu’on y pouvait trouver.
Pourquoi avons-nous de plus en plus le sentiment d’errer dans une prison à ciel ouvert ? Il y aurait de quoi hurler, mais on passerait son temps à hurler et c’est fatigant. Lisez déjà l’enquête du Platane.

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Le cycle du silicium

Des carrières aux dépotoirs en passant par nos smartphones

Nécrotechnologies.

par Pièces et main d’œuvre.

« Du silex au silicium », on connaît ces triomphales trajectoires que les communicants des sciences et technologies, et autres apologistes du progrès industriel, ont coutume de projeter dans leurs livres, expositions, films, conférences, etc. Ces trajectoires se prolongeant vers un infini futur et merveilleux sur l’écran de leurs PowerPoints, grâce à la Transition, qui, pour être « écologique », ne peut être que « numérique ».

C’est du moins ce que nous disent nos technologistes Verts, Yannick Jadot, candidat EELV aux présidentielles, Guillaume Gontard, sénateur Vert de l’Isère, Jean-Luc Mélenchon, « planificateur écologique », également candidat aux présidentielles, ou encore André Chassaigne, député communiste du Puy de Dôme, dont nous rapportons ici les propos.
Ces insanités ne peuvent se proférer qu’à la condition d’ignorer ce qu’est réellement et concrètement le cycle du silicium dont nous traçons ici l’esquisse sommaire.

Qu’est-ce que le silicium ? D’où et comment est-il extrait ? Et pour quel usage ? Que deviennent les paysages d’où on l’arrache ? Comment est-il transformé ? Dans quelles métropoles et smart cities  ? (Oui, Grenopolis, entre autres). Et pour produire quels « objets connectés » (« intelligents », « smarts »), quels humains, logements, villes, monde, tous connectés les uns dans les autres ? Et que deviennent ces choses, organiques ou artificielles, mais toutes connectées ? A quoi leur sert, et que leur fait leur interconnexion générale ? Et quelle est leur durée d’usage ? Et pourquoi ? Et après ? – comme disent les enfants – que deviennent ces milliers de tonnes de déchets électriques et électroniques ? Où les envoie-t-on ? Qu’en fait-on ? Qui y travaille ? etc.

Attention, ce texte contient des éléments susceptibles de heurter la sensibilité de nos lecteurs woke, « décoloniaux », « intersectionnels », et connectés. Mais quoi, « c’est à ce prix, dit le gosse du Ghana, que vous avez des smartphones en Europe ».

Un virus d’origine scientifreak ?

Vous allez rire, mais nous aussi, Pièces et main d’œuvre, nous avons un comité scientifique. Et comme Emmanuel Macron, Greta Thunberg et tout le monde, nous écoutons les scientifiques – ceux qui savent. Que dit notre comité scientifique ? Eh bien, finalement, il est probable (voire un peu plus que probable) que le virus SARS-Cov2 (dit Covid-19) ait bel et bien été manufacturé dans le laboratoire P4 de Wuhan et qu’il s’en soit échappé. Naturellement, quand notre comité scientifique nous a avisé de ses dernières trouvailles, nous lui avons posé des questions et tâché de vérifier ses soupçons. C’est ce que raconte cette enquête, pas à pas, de façon à ce que vous puissiez à votre tour vérifier nos vérifications et vous faire votre propre opinion. Allez, au boulot.

Un virus scientifreak

Le « Procès du transhumanisme » : Quand la justice défend l’acceptabilité de la déshumanisation

Le 22 juin 2017 se tenait un étrange procès au Palais de Justice de Paris. Faussement intitulé « Le procès du transhumanisme », il ne jugeait pas le transhumanisme, mais un fait divers futuriste. La mauvaise foi était annoncée dès le titre. Aussi ne fûmes-nous guère surpris par ce procès-fiction visant, sous le masque de la prospective juridique et du débat contradictoire, à acclimater l’opinion à l’idéologie transhumaniste. Quand le droit devient un outil d’enregistrement du fait accompli, à la remorque de l’air du temps technologique. Témoignage.

Témoignage Procès